Cédric BUGNON 02 juin 2021 Route


Laurent Garnier, de l'hôpital aux championnats du monde

Le Vaudois tentera de décrocher sa place aux JO de Toyko. Récit d'un parcours hors-norme.

© Martine Verfaillie

Laurent Garnier est un nom connu dans le milieu du cyclisme romand. Le Français d'origine s'est installé en Suisse en 1997. C'est après son arrivée qu'il a pris goût au vélo, notamment grâce au VTT, une discipline dans laquelle il a notamment gagné plusieurs fois le Grand Raid depuis Hérémence dans sa catégorie.

Depuis le début des années 2010, il s'est souvent illustré en cyclocross : victoire à l'omnium romand dans sa catégorie et 3 titres de champion de Suisse master au compteur. En 2015, il obtient même une 5e place lors des championnats du monde de Gossau chez les 45-49 ans.

Mais depuis 2016, le Vaudois est miné par d'importantes douleurs au mollet et à la cuisse droite, sans que personne ne parvienne à comprendre l'origine de ce mal mystérieux. En 2019, au lendemain d'une Swiss Bike Cup disputée à Andermatt, Laurent Garnier s'est retrouvé dans l'impossibilité de marcher. Des examens très approfondis ont permis de détecter une artériopathie oblitérante des membres inférieurs. Une maladie qui touche les personnes âgées, sédentaires, en particulier les gros fumeurs.

''L'opération était inévitable'', regrette Laurent Garnier. ''Il s'agissait de réaliser un pont artériel, une opération relativement facile qui consiste à prendre une section d'artère ailleurs dans le corps et de la greffer à l'endroit du problème pour réparer la partie endommagée. Mais malheureusement, cela n'a pas fonctionné du tout. Mon corps rejetait la greffe, ce qui était inexplicable vu qu'elle provenait de mon propre organisme !''

La même opération sera retentée 15 jours après, avec un sang davantage fluidifié, sans succès. Les doses de morphine nécessaires pour gérer la douleur deviennent problématique. Une autre solution doit être envisagée. ''Le chirurgien est venu vers moi et m'a annoncé qu'il fallait amputer en haut de la cuisse puisque la douleur était présente sur l'ensemble de la jambe'', se remémore Laurent Garnier. Un terrible choc, mais le cycliste est déterminé à consulter d'autres spécialistes avant de prendre une telle décision.

''Le problème avec une douleur aussi violente, c'est qu'on en devient prêt à subir une amputation, pourvu que cela cesse. Mais heureusement, une autre solution a pu être trouvée : un stimulateur a été implanté dans mon corps, le long de la colonne au niveau de la hanche, avec des électrodes sur la moëlle épinière. Il envoie des décharges électriques qui permettent de tromper le cerveau et de masquer la douleur.''

Une solution qui s'est montrée particulièrement efficace, mais qui n'a malheureusement pas pu sauver totalement le membre inférieur du cycliste vaudois. Une amputation de Chopart, c'est-à-dire où l'on coupe tout l'avant du pied, a été nécessaire. ''Pour moi, c'était OK. Dans ma tête j'avais déjà accepté l'idée que l'amputation se fasse au-dessous du genou'', note Laurent Garnier.

L'opération a eu lieu en novembre 2019 et a nécessité plusieurs mois de rééducation et la pose d'une prothèse. Avant de remonter enfin, en mai 2020, sur un vélo. ''Mais tant le VTT que le cyclocross posent désormais problème en raison des vibrations qui sont amplifiées et renvoyées vers le genou par ma prothèse. Seule la route passe sans douleur. Mais c'est bien, je peux pédaler ! Et même si je n'avais jamais pratiqué la route en compétition, je voulais vraiment reprendre les courses.''

Pendant sa rééducation à la SUVA, Laurent Garnier a eu le temps de réfléchir et d'effectuer de nombreuses recherches. Il est tombé sur Dany Hirs et l'équipe PluSport. ''PluSport est une équipe Handysport qui aide à la réinsertion sportive des athlètes handicapés. Le handicap peut être physique ou mental. PluSport soulage aussi les familles en apportant leur aide. Dans le vélo bien sûr, mais dans n'importe quel autre sport. Même le pingpong ou encore le curling ! Pour moi, ils ont notamment payé une prothèse spécifique au vélo. Ils organisent et financent des stages d'entraînement. Sans eux, jamais je n'aurais pu reprendre la compétition comme j'ai eu la chance de pouvoir le faire'', s'enthousiasme Laurent Garnier.

La compétition, il l'a reprise en juillet dernier lors des championnats nationaux du contre-la-montre à Belp. ''Je n'avais que 1800 kilomètres au compteur mais j'y suis allé. PluSport m'a prêté un vélo de CLM pour l'occasion. J'y ai pris la 3e place ! Puis il y a eu les championnats nationaux en ligne avec un 4e rang alors que c'était ma première en ligne course sur route. Tout cela m'a permis de rejoindre le cadre élite pour cette année.''

Récemment, le Vaudois a pris le 8e rang du Tour des Flandres et a également disputé ses premières courses de Coupe du Monde à Ostende, en Belgique. ''Mes résultats m'ont permis de me qualifier pour les championnats du monde au Portugal qui ont lieu tout prochainement. Là-bas, je viserai une qualification pour les JO, mon objectif ultime ! Mais ce ne sera pas simple : Nous serons 9 coureurs à nous disputer les 3 places qualificatives pour Tokyo. Mais j'y crois !''

Les championnats du monde auront lieu le 10 juin (CLM) et le 13 juin (course en ligne) sur le circuit moto d'Estoril.


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