© Sigfredo Haro - La Côte |
Le Vaudois Robin Froidevaux a bouclé sa saison au 2e rang du Swiss Bike Challenge, dépassé lors de la dernière course de la saison par Justin Paroz alors qu’il réalisait d’excellentes prestations sur le vélodrome d’Aigle lors des 3 jours. Le pensionnaire du Cyclophile Morgien aime la piste. Il est l’un des piliers de l’équipe Suisse de poursuite par équipe, laquelle s’impose désormais comme l’une des meilleures du monde à quelques mois des Jeux Olympiques de Tokyo. L’occasion, avant de débuter une saison qui s’annonce passionnante, de faire le point sur la saison passée, celle à venir, mais aussi de faire le point sur l’état du cyclisme actuel.
Robin, tu as terminé sur la route 23e des championnats du monde espoirs, 8e des Jeux Européens ou encore 3e d’une étape du Rhône-Alpes Isère Tour (UCI 2.2). Une saison réussie ?
C’est vrai qu’en général, c’est une bonne saison car je suis régulier, j’ai des résultats tout au long de l’année. Maintenant, il y a beaucoup de Top20 mais pas beaucoup de places sur le podium. Et c’est surtout cela qui compte si l’objectif est de passer pro. Je suis content de ma saison et du niveau que j’ai montré sur le vélo, mais il me manque la réussite et de vraies bonnes places. Si je passe encore un petit palier la saison à venir je pense que cela pourrait franchement bien marcher.
Que dois-tu travailler pour passer ce fameux palier ?
Je pense que je vais travailler surtout mes points forts, à savoir l’explosivité et la résistance. Et j’espère prendre un peu de poids au passage, quitte à moins bien passer les bosses. Il faut que je mette le focus sur les courses qui me conviennent, c’est-à-dire plates ou avec des petites bosses, nécessitant du punch, comme les classiques. Et bien sûr c’est aussi le plus utile pour la piste.
Tu ne comptes aucun abandon sur l’ensemble de ta saison 2019. C’est très rare. Quel est ton secret ?
C’est vrai, je suis content car je n’abandonne pas souvent en général et cette année ce n’est pas arrivé du tout. Je pense que c’est grâce au travail que l’on effectue avec mon entraîneur, Virgile Lecoultre. On arrive à fixer des petites pauses au bon moment pour que je ne me brûle pas les ailes et que je mette 2 mois à m’en remettre. Donc chaque fois que j’ai un gros objectif, on coupe un petit moment avant de reconstruire. Cela a bien marché toute la saison et encore cet hiver sur la piste, car je suis encore frais. Je suis persuadé que c’est cette gestion de la saison qui est la clé.
Sur piste, tu es champion national de l’omnium, tu as gagné les Jeux Européens avec Tristan Marguet et tu es le plus souvent le lanceur dans les compétitions internationales de poursuite par équipe. Avec les Jeux Olympiques qui se profilent, on imagine que 2020 sera centré sur cet objectif ?
Oui, clairement. Ce qui est cool c’est que je marche bien en Madison et en poursuite par équipe. Donc si je me développe encore un peu, il y vraiment de bonnes chances que j’y aille, et peut-être pour deux disciplines. On a vraiment une équipe forte (ndlr : l’équipe nationale a remporté la médaille d’or à la coupe du monde de Cambridge, en Nouvelle-Zélande, à moins de 2 secondes du record du monde). La concurrence est rude et donc la sélection sera rude aussi. Mais il y a vraiment une bonne émulation, tout le monde se pousse vers le haut. On est 7 ou 8 coureurs capables de rouler vraiment vite. Cela crée un bon niveau, les entraînements sont durs et on peut jouer devant sur toutes les compétitions.
Donc clairement, ma saison 2020 sera organisée autour des JO, notamment mon début de saison sur la route. On verra comment on va faire avec les classiques, ce qu’il est possible de faire ou non.
Après les Jeux, est-ce que ce sera focus sur la route ou est-ce que tu as besoin de garder la piste pour ton équilibre ?
J’aime vraiment la piste, tout comme j’aime la route. J’aime être sur piste l’hiver car c’est un monde qui me plait. J’aime ces courses explosives et l’ambiance qu’il peut y avoir. On est vraiment comme en famille. Sur route, c’est sympa aussi mais on ressent moins cette ambiance. Je pense que la piste est effectivement bonne pour mon équilibre et aujourd'hui je me dis que j’aime trop ça pour arrêter. Après, on ne sait jamais. Si j’obtiens un contrat après les Jeux qui me permet de vivre du vélo et qu’on me demande d’arrêter la piste, alors je pense que j’arrêterai. Le but est tout de même de vivre de son sport et pour cela il faut aller chez les pros. Mais il y a des équipes pros où la piste est tolérée alors on verra comment cela se présente. Mon souhait serait de continuer.
Cette année a été particulière pour le cyclisme romand avec une impressionnante vague de coureurs amateurs mettant un terme à leur carrière. On a vu également Richard Chassot expliquer dans le journal La Liberté qu’il était presque impossible pour un Suisse de percer aujourd'hui. Ton avis sur le sujet ?
D'un côté, je trouve qu’il y a beaucoup d’arrêt en Suisse romande en partie en raison de l’arrêt de l’équipe IAM, mais pas seulement. Quand certains décident d’arrêter, cela ouvre les yeux à d’autres et il y a un effet domino. Beaucoup de ceux qui ont arrêté avaient le même âge, n’étaient plus espoirs et avaient peut-être fait le tour de ce qu’ils voulaient voir dans le vélo.
D'un autre côté, ce que je vois en Suisse cette année c’est que trois mecs qui étaient en équipe nationale avec moi notamment au Tour de l’Avenir passent pro (ndlr : Stefan Bisseger, Johan Jacobs et Joël Suter). Il y a aussi Simon Pellaud et Fabian Lienhard. Beaucoup de Suisses, et pas uniquement des jeunes. C’est donc difficile mais avec 5 coureurs qui passent pro sur une seule saison, on ne peut pas dire que c’est impossible.
De mon côté, tant que je suis motivé et que j’ai toujours l’espoir d’y parvenir, je vais continuer. Après c’est vrai qu’avec la piste la motivation est différente. Je cours déjà avec les meilleurs du monde, et suis déjà « pro » sur piste en quelque sorte. Je me concentre donc là-dessus et je me dis que si je deviens plus fort sur piste, je deviendrai également plus fort sur route aussi. Et que si un contrat devait venir par la suite, ce serait dans la logique des choses.
On est donc pas si défavorisé que cela en étant coureur cycliste en Suisse ?
C’est sûr qu’en Suisse, on est défavorisé. Personnellement, je suis 23e des Mondiaux cette année et les 22 mecs devant moi étaient soit déjà pros, soit ils passent pros, et une bonne partie étaient déjà stagiaires dans de grosses équipes. Dans 2-3 ans on pourra constater qu’environ un tiers de coureurs présents au départ de ce championnat seront passés professionnels. Le fait qu’il n’y ait pas d’équipe professionnelle en Suisse au moins au niveau Continental Professionnel joue contre nous.
Après, si tu es vraiment fort, si tu gagnes beaucoup de courses, tu es pris et ce sont les équipes qui viennent vers toi. Le problème, c’est quand tu es déjà fort et que tu pourrais être un excellent équipier. Dans ce cas-là, tu es intéressant pour une équipe, mais c’est à toi d’aller vers le manager de l’équipe. Et l’équipe s’intéressera logiquement en premier aux coureurs de son pays, d’où l’importance d’avoir une structure professionnelle en Suisse ou un très bon manager avec des contacts.
Un manager, c’est indispensable ?
Cela dépend du niveau que l’on a. Un Stefan Bissegger n’aurait jamais eu besoin de manager cette année, il pouvait aller dans toutes les équipes qu’il voulait avec ce qu’il a démontré. Mais clairement quand tu es assez bon pour être pro sans toutefois ressortir du lot, cela dépendra des contacts de ton manager et de ta nationalité. Il faut aussi avoir de la chance.
Tu entres dans ta dernière année espoir. On voit des coureurs de plus en plus jeunes passer professionnels, et beaucoup de coureurs arrêtent le vélo à la fin des années espoirs. Comment est-ce qu’on vit cette année fatidique ?
Peut-être certains se découragent un peu vite. La situation en Suisse n’aide certainement pas à rester courageux, c’est sûr. Si en sortant des années espoirs, il n’y a plus la motivation ni l’envie du résultat, c’est presque impossible que cela revienne. On ne peut pas continuer si l’on n’a pas la « grinta ». Ceux qui continuent, c’est ceux qui sont vraiment motivés et qui aiment le vélo. Mais je peux comprendre que certains ne veulent plus de la pression que les courses impliquent.
Ensuite, en Suisse, on a l’impression de n’avoir que 3 années chez les espoirs. Chose unique chez nous, il y a une année « amateur » qui honnêtement ne sert pas à grand-chose. Souvent on en ressort moins fort qu’on l’était à la sortie des juniors. C’était d’ailleurs mon cas. Déjà j’avais mes études à terminer, mais surtout à la fin de mes années juniors j’avais participé à de nombreuses courses internationales qui m’avaient donné un rythme de fou. En amateur tu fais des courses avec les juniors sur 100 bornes. C’est court et même si on fait des résultats, on ne doit pas pousser autant la machine comme sur les courses à l’étranger. Cette année m’a permis de finir tranquillement mes études mais ne m’a pas fait progresser sur un vélo.
Malgré tout, on a aussi la chance d’avoir une équipe comme Akros Thömus, qui est idéale pour un Suisse. Elle nous permet de participer à des épreuves avec les pros, nous laisse libre de faire de la piste, c’est vraiment une équipe que j’apprécie. Et quand on regarde les deux équipes Continentales restantes, je me dis qu’on pourrait avoir une équipe « Conti Pro » en Suisse avec 50% de coureurs suisses, voire même un peu plus. Le niveau chez nous est bon !
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