Aline GÉRARD 21 janvier 2020 Interview


Guillaume Gachet se voit pédaler encore longtemps

Le jeune Fribourgeois prend le temps d'apprendre le vrai cyclisme dans l'Hexagone.

© Objectif 25

La Pédale Romande a décidé d’aller à la rencontre des amateurs romands ayant réussi à obtenir leur qualification dans l’élite pour la saison 2020. Le système de qualification ayant changé cette saison, seuls 7 coureurs sur l’ensemble du pays ont décroché leur sésame pour la catégorie supérieure contre 13 coureurs la saison dernière. Toutes les demandes de dérogation, notamment celle du Valaisan Alexis Maret, 9e du classement annuel, ont été rejetées. Côté romand, seul le Fribourgeois de la Pédale Bulloise Guillaume Gachet a validé son ticket pour la catégorie reine. Rencontre avec un coureur atypique au parcours très particulier.


Guillaume, tu passes dans la catégorie élite en 2020. Objectif de la saison réussi ?

C’est sûr que c’est bien d’être élite, mais ce n’était pas mon objectif. C’est arrivé, tant mieux. Je cours pour l’Amicale Cycliste Bisontine, un club de division nationale française réputé. Mon but principal la saison passée était d’obtenir mes points FFC (ndlr : Fédération Française de Cyclisme) pour être en deuxième catégorie en France. Ce qui permet ensuite de disputer les plus grosses courses du calendrier amateur français.

Comme j’ai réussi cet objectif déjà à la mi-mars grâce à un bon début de saison, je me suis permis de venir sur les nationales suisses qui me plaisaient le plus, comme le GP Ticino, la Courtine ou encore le Tour de Berne. Quand j’ai appris que la qualification était à 50 points, il ne restait que deux courses et je n’avais que 36 points. J’ai tenté le coup et cela a passé de justesse sur la dernière course. En même temps, je n’ai disputé que la moitié des courses nationales donc je trouve ça pas mal.


Qu'est-ce que cela change pour toi d'être désormais élite en Suisse ?

Je paie ma licence 520 CHF au lieu de 185 CHF. Cela doit être la seule différence (rires).


Sans compter les « podiums » amateurs sur les courses où les amateurs courent avec les élites, tu as signé 13 podiums en 2019 et terminé environ 50% de tes courses dans le top15 sans que personne ou presque ne le remarque en Suisse…

Une bonne partie de mes podiums ont été obtenus en France. J’ai terminé 2 fois sur la boîte dans la catégorie au-dessus de la mienne, dont une victoire côte à côte avec mon coéquipier Thibault Germain au sommet de la montée du fort St-Antoine. Cela doit être à 15 kilomètres de la frontière avec la Suisse, mais effectivement c’est passé inaperçu. C’était au lendemain du Défi Boscardin lors duquel j’avais terminé deuxième. Pour moi c’était important de pouvoir enchaîner deux journées de suite à ce niveau en fin de saison. Mais c’est vrai qu’il y a eu une bonne régularité cette saison.

Après en Suisse on est sûrement un peu trop fermé sur nous-même. Par exemple, on a parlé de ma 2e place sur le Tour de Berne comme si c’était un exploit pour moi. Mais je ne le vois pas comme ça car en France j’ai réussi des choses sportivement plus intéressantes à mon sens. Récemment j’ai croisé un sélectionneur national qui m’a dit que c’était bien que je vienne depuis la France pour courir à Aigle… Cela m’a fait sourire mais c’est quand même dommage.




Si tu devais te présenter à ceux qui ne te connaissent pas, que leur dirais-tu ?

Que je m’appelle Guillaume, que je suis arrivé dans le vélo assez tard et que 2019 était la première saison lors de laquelle je me suis consacré sérieusement au vélo. Je suis paysagiste de formation et pour ma première année espoir, à l’âge où certains sont déjà pros, je posais encore des dalles ou taillais des arbres sous la pluie ou sous la canicule. Sinon je mesure 1m83 pour environ 60 Kg, je pense être un bon grimpeur et avoir encore une belle marge de progression.


Dans tes victoires 2019 on compte un critérium, un contre-la-montre et un omnium national sur piste. De plus, tu participes aux 6 jours de Berlin sur piste dans quelques jours (ndlr : dès le 23 janvier 2020). Plutôt surprenant et éloigné de l’idée que l’on a d’un grimpeur !

J’ai un entraîneur qui me répète souvent que quand on n’est pas le plus fort, on doit être le plus malin. J’essaie donc de trouver des solutions quand la situation n’est pas idéale pour moi. C’est sûrement pour cela que je suis régulier d’ailleurs. Par exemple sur le Tour de Berne (ndlr : terminé au 2e rang) on arrivait avec un gros groupe, j’ai donc anticipé le sprint en sortant à 2 kilomètres de l’arrivée. Sur piste, je ne suis pas assez puissant sur les sprints alors je dois plutôt prendre des tours d’avance. En contre-la-montre, j’ai la chance d’être très souple naturellement alors je compense mon léger manque de puissance dans la discipline par une position très basse qu’on a mis long à mettre en place. Maintenant j’espère pouvoir disputer une vraie course de montagne en 2020, car je n’ai encore jamais eu cette occasion. En fait, je n’ai jamais vraiment travaillé mes points forts jusqu’ici. Je me réjouis de le faire.


Tu portes donc les couleurs jaunes de l’Amicale Cycliste Bisontine depuis tes débuts dans le cyclisme. Pourquoi ce choix ?

En Suisse, si tu commences tard ou si tu es simplement en retard de croissance, c’est presque impossible de t’en sortir. Dès que tu es chez les juniors, tu es obligé de courir presque tout le temps contre les meilleurs du pays. On peut rattraper son retard physique en essayant à chaque course de suivre le plus longtemps possible, mais on n’apprend rien. On n’apprend pas la stratégie pour courir juste, à gagner, à courir en équipe et c’est un retard qui ne se rattrape pas.

Si je suis parti en France, c’est pour trouver des courses adaptées à mes capacités, moins relevées qu’en Suisse. J’ai voulu disputer des épreuves du plus faible niveau possible pour apprendre le vélo depuis le début et il n’y a qu’en France que je pouvais le faire. À l’Amicale Cycliste Bisontine je me sens soutenu, bien conseillé, j’ai déjà pu prendre part à de nombreuses courses par étapes. En Suisse je faisais du vélo mais à l’Amicale j’apprends le métier de cycliste à mon rythme. Cette saison, je vais probablement pouvoir participer à quelques courses UCI espoirs et à certaines des plus belles courses du calendrier amateur français, donc je suis très content du chemin parcouru et très reconnaissant de la chance qu’ils me donnent.


Tu fais finalement tout différemment des autres…

C’est un peu vrai et ça me plait bien. Mais en même temps on entend beaucoup de coureurs se plaindre qu’en Suisse c’est plus difficile de percer, que cela ne marche pas, que le calendrier est toujours le même. C’est donc plutôt logique de tenter autre chose non ?

Et puis j’ai un plan de carrière assez précis. Avec mon entraîneur on a décidé de ne pas tenir compte des « dates limites » que le système des catégories nous impose. Sur la saison dernière j’ai eu un gros creux en août car j’ai encore grandi de 3-4 centimètres en 1 mois, et cela m’a bouffé toute mon énergie. Je suis clairement très en retard niveau croissance et je dois faire avec, continuer mon chemin et être patient. L’an dernier, en espoir 2, je ne roulais qu’entre 9 et 11 heures par semaine en moyenne, un petit peu plus en fin de saison. C'est rien du tout.

J’ai parfois l’impression de sortir des rangs juniors, mais bon je n’ai de toute façon pas le choix. Il faut respecter son corps avant tout. Ce que j’aime pour le moment, c’est d’être sur mon vélo, peu importe que je sois espoir 3, espoir 4 ou désespoir 1… Je me vois faire du vélo sur le long terme, encore de longues années. Je n’ai pas 10 ou 12 ans de vélo dans les jambes comme certains, je me sens frais dans la tête, hyper motivé. Donc le plus important pour moi, c’est d’atteindre mon maximum et je ne pense pas que ce sera le cas avant l’âge de 28 ou 29 ans. C’est un sport où l’on arrive à maturité tardivement. Atteindre son maximum et vivre pleinement sa passion je pense que c’est à faire dans une vie.

Maintenant, de courir dans deux pays comme je l’ai fait cette saison, c’est aussi prendre le risque de passer pour un coureur moyen puisque je ne suis pas souvent dans les classements en Suisse et que je n’ai pas mes points 1ère catégorie en France. Pour éviter cela, parce que cela a quand même été un peu le cas cette saison, je vais me concentrer sur le calendrier français en 2020.




Au risque de te faire oublier en Suisse ?

Il y aura forcément les championnats nationaux et de temps en temps une course régionale en semaine. J’aimerais beaucoup participer au GP L’Échappée à Martigny en avril car mon équipe devrait y prendre part et ce sera pour les grimpeurs, mais c’est peut-être un peu prématuré. Je dois faire mes preuves, il y a des mecs plus forts que moi dans l’équipe. Peut-être que je ferai le Tour de Berne s’il n’y a pas d’autres courses qui s’ajoutent avec l’Amicale à cette date. Mais c’est sûr, je donnerai la priorité à 100% à mon équipe en France. Sauf en cas de sélection en équipe nationale, mais on en est visiblement loin s’ils pensent que je suis Français (rires). Mais cela me plairait bien.


Courir avec le maillot de l’équipe nationale, c’est ton objectif à plus long terme ?

Disons que je ne veux pas me fixer comme objectif des choses que je ne contrôle pas. Mais je serais heureux de savoir qu’ils suivent ce que je fais, même si c’est de loin. Je sens que je progresse, et à l’entraînement je commence à assimiler des charges vraiment intéressantes depuis quelques semaines. Donc si je devais commencer à faire quelques bons résultats sur des courses qui comptent, je serais content qu’ils s’en rendent compte. Après je ne me mets pas de pression pour ça. Si cela doit arriver, tant mieux. Et sinon, ce n’est pas très grave. Je vais dans tous les cas découvrir des belles courses ces prochaines années !


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